3 suns: Vaud’s marketing mantra
LAUSANNE, SWITZERLAND – Jean-Claude Biver, has been given the Guillon d’Or prize in “recognition of, and admiration for, his career and the magnificent image he’s given canton Vaud around the world”, noting in particular his contributions to the world of Vaud wines.
Biver received the award from the Confrérie de Guillon and the group Clos, Domaines & Châteaux at a ceremony Monday evening at the Lausanne Palace.
Biver, best-known for his work in the Swiss watch industry and as chairman of Hublot, has publicly taken up the cause of Vaud wines in recent months. An agreement between Hublot and the Office des Vins Vaudois earlier in 2014 will use the watchmaker’s boutiques and outlets worldwide to promote the canton’s wines. Biver has developed a reputation in the watch industry for skillful management and precision marketing, first at Audemars-Piguet, then Omega, Blancpain, Hublot and most recently LVMH.
During his acceptance speech Biver referred to a recent trip to China where he insisted that in canton Vaud wines benefit from three suns: the one in the sky, the reflection of it from the lake, the sun’s warmth captured and slowly released by the dry wall terraces of Lavaux, a Unesco World Heritage site.
Biver has also mentioned the three suns on other occasions this year when he has spoken about Vaud’s wines – turning an old Lavaux truism into a marketing mantra that promises to give wines from the region a sharply defined image.
Vaud stretches well beyond the 30-km wide Lavaux area but if Biver succeeds in getting across the three suns message, the rest of the regional market will benefit.
(continued below)
The hippiness of wines
The most surprising part of the evening wasn’t about watches or wine, but Biver’s remarks about growing up in the era of flower power, and his dream of relaunching the hippy movement. “Happiness! Joy! Dream, give hope and love and respect to this generation” could be his final project, he told the crowd, laughing heartily, a Biver hallmark when giving speeches.
“I was so lucky to be born into the hippy movement, where every day we asked, what is life all about?” That continuous existential approach has marked his life and his work, he says, especially the good counsel of an early mentor in Lausanne who said that you’ll know your life has made sense if five minutes before you die you can see two trails you’ve left behind. “You leave a trail of love – if you see that, you’re rich, because it’s the only thing you can’t buy – and you leave a trail in your métier.”
He came around to wine again by touching on a basic aspect of wine: sharing. “The idea of sharing is the most beautiful act of love.”
This is the fourth year running for the award, which is offered by the Confrérie de Guillon and Clos, Domaines & Chaâteaux. The first is a 4,000-member organization created in 1954 to praise and promote Vaud wines. The CD&C group, created in 2004, brings together 26 chateaus, domains and clos in the canton that are remarkable for their historical or cultural heritage.
A delightful interview with Jean-Claude Biver by Claude-Alain Mayor, secretary for the prize, in French:
“Interview de Jean-Claude Biver (JCB) par Claude-Alain Mayor (CAM), tabellion de la Confrérie du Guillon
Jean-Claude Biver est, c’est le moins que l’on puisse dire, un homme efficace. Vous lui demandez un rendez-vous par courriel presque trois mois à l’avance, sachant qu’il n’est pas précisément désœuvré, et la réponse tombe trois heures plus tard: c’est OK pour le lendemain 17h15. Et donc, moins de 24 heures plus tard, le président de Hublot me reçoit chez lui, en toute décontraction, autour d’une bouteille de chasselas du coin, millésime 2008.
CAM Quel a été votre sentiment en apprenant que vous aviez été distingué par la Confrérie du Guillon ?
JCB C’est un grand honneur, dans la mesure où ça signifie que je sais boire ! J’y vois aussi le signe que j’aime ce pays, que je respecte ses habitants, et surtout le roi de Lavaux: le Chasselas. Et le plaisir est d’autant plus vif que je suis compagnon d’honneur de la Confrérie du Guillon et qu’à ce titre j’ai déjà participé avec bonheur à plusieurs ressats à Chillon.
CAM Quel est de manière générale votre rapport au vin ?
JCB Le vin, pour moi, c’est la fusion de Dieu et de l’homme. Il n’y a pas beaucoup de produits qui puissent se réclamer à la fois du divin et de l’humain, mais à mes yeux le vin en fait indiscutablement partie, d’où son caractère sacré. Ce qui ne nous empêchait pas, quand nous étions gamins, de voler le vin du curé, mais c’était par jeu. Bon, le vin, c’est aussi le sang du Christ, mais j’aime moins cette image, parce que le sang qui coule, ça évoque plutôt la blessure.
Le vin, j’en bois depuis l’âge de cinq ans, parce que mes grands-parents vivaient dans le Beaujolais sur le terroir du Moulin-à-Vent. Or, dans les familles bourguignonnes de l’époque, ont donnait toujours aux enfants une larme de vin, afin qu’ils participent à la fête de la table, se sentent intégrés comme des grands et apprennent très tôt à déguster plutôt qu’à boire. Boire le vin sans le déguster, c’est en effet un sacrilège, et surtout le plus sûr moyen d’en abuser. Si certains jeunes se saoulent au vin, c’est qu’ils n’ont pas appris à le respecter.
En outre, la dégustation exige de développer la mémoire du vin, que j’ai ainsi acquise, même si elle est encore largement perfectible. Mon grand-père nous demandait en effet impitoyablement de situer le vin que nous buvions, épreuve dont nous tirions en général avec les honneurs, grâce à une grand-mère bienveillante qui nous soufflait la réponse. Au-delà de l’anecdote, je suis certain que seul le travail de dégustation et de mémoire permet d’accéder à un vin dans toute sa plénitude, à la symbiose, comme je l’évoquais, entre la part divine et la part humaine.
CAM Quels sont vos vins ou vos cépages favoris ?
JCB Si je me réfère à l’endroit où j’habite, ma préférence va sans conteste aux vins de Montreux, parce que je suis un authentique régionaliste. S’agissant du cépage, j’ai beaucoup de peine, ici, à boire autre chose que du chasselas, lorsque je regarde le lac et les montagnes. Bien sûr, au restaurant, avec des clients, je bois avec plaisir un Dézaley rouge. Mais l’essentiel est de faire honneur au vin du pays dont on est l’hôte. J’aime me plonger dans une région, m’imprégner de ses produits. Vivre une région, c’est voyager. Boire du Bordeaux en Provence, c’est refuser le voyage, sombrer dans l’immobilisme, alors que moi, j’aime la dynamique du voyage et pour cela, je bois et je mange local. Dans un bouchon lyonnais par exemple, rien ne vaut une andouillette avec un Beaujolais à 6-8°.cultivés
CAM Que trouve-t-on dans votre cave personnelle ?
JCB Du Champagne, du Bordeaux, du Côtes-du-Rhône, un peu d’Italien, mais essentiellement du chasselas. Et j’ai aussi une cave à Ramatuelle, où je possède 10’000 m2 de syrah, cultivés par une vigneronne à l’origine du premier village bio de France, Correns, où l’on ne trouve pas de tracteurs dans les vignes, mais uniquement des chevaux. C’est donc elle qui vinifie ma syrah, un cépage que j’aime beaucoup, j’ai oublié de le dire, à l’instar du cornalin.
CAM Vous n’êtes probablement pas homme à choisir vos vins en grande surface ou sur catalogue…
JCB Sûrement pas. Le contact personnel avec le producteur est essentiel. Je vous ai dit que le vin était un trait d’union entre Dieu et l’homme. Or, Dieu, je le connais (rire), mais le vigneron pas forcément: je dois donc le rencontrer.
CAM Quelle découverte avez-vous faite récemment en matière de vin, en particulier de vin vaudois ?
JCB J’ai découvert, ou plus exactement redécouvert le Crosex Grillé … au Japon, où j’étais en tournée de promotion avec Philippe Gex. Je lui ai dit tout de go: “Tu fais vraiment du bon chasselas!”. Je suppose que le terroir baigné de soleil y est pour beaucoup. Je sens que vais en commander quelques cartons: ce sera ma seule infidélité au Montreux quand je suis sur mes terres.
CAM Vous considérez-vous comme un bon vivant ?
JCB A vrai dire, je me considère comme un trop bon vivant ! Pour moi, être un bon vivant ne suffit pas: je suis un bon vivant qui exagère. La norme me fatigue et m’ennuie, alors que l’excès me fascine. Ma femme me dit d’ailleurs que je suis un être excessif.
CAM Vous arrive-t-il de passer vous-même derrière les fourneaux ?
JCB Bien sûr ! Je fais la raclette … et la fondue, que je prépare à 100 % avec le fromage produit sur notre alpage, dont j’offre par ailleurs chaque année cinq tonnes à travers le monde, à mes clients et à mes amis. En ce sens, je me considère aussi comme un ambassadeur des fromages de notre région, tels le gruyère et l’Etivaz.
Nous suivons pour la fabrication de notre fromage une recette ancestrale qui remonte au XIIe siècle: le lait entier est chauffé à 55° sans être écrémé, même pour une part infime. L’avantage bien sûr, c’est que la crème confère à notre fondue une onctuosité qui ne peut autrement être apportée que par le vacherin. Et si vous avez la chance d’en manger une fois, vous constaterez qu’elle est exceptionnelle. A part les classiques mets au fromage, il m’arrive de cuisiner des röstis, un coq au vin: une cuisine généreuse, à la cassolette, qui trahit mes ascendances bourguignonnes.
CAM Quelles analogies distinguez-vous entre le monde du vin et l’horlogerie de luxe ?
JCB Comme l’horlogerie, le vin s’inscrit dans la dimension temporelle: il fait appel à la mémoire. Lorsque vous dégustez un vin, vous êtes naturellement amené à vous rappeler le millésime, même récent: comment était l’été, à quelle date on a vendangé, dans quelles circonstances, combien de degrés Oechslé atteignait le raisin, etc. Le vin, dans ce sens, est un garde-mémoire. Il nous rappelle le travail des hommes et de Dieu.
En dégustant un 1976, on pense immédiatement à une année très chaude, on se remémore des événements contemporains, on déroule une histoire. Comme l’horlogerie, le vin permet de mémoriser le temps. Si on prend un exemple extrême, avec un Yquem, vous pouvez remonter deux cents ans de mémoire. J’ai la chance d’avoir des bouteilles d’Yquem de 1811, que je ne peux pas boire sans me replonger au préalable dans l’histoire et la géographie de l’époque: quelles étaient les frontières en Europe, où en étaient les campagnes napoléoniennes ? De plus, un vin est une mémoire vivante: un Yquem 1811 n’est pas figé, il est toujours en évolution, le déguster, c’est une aventure exceptionnelle qui vous invite à entrer dans l’éternité. Une expérience que seule la mort, sinon, peut nous apporter.
De surcroît, l’analogie est flagrante entre l’horloger et le vigneron dans la précision du travail, la maîtrise du détail. On pense immédiatement aux Cisterciens, dont le travail méticuleux, patient, obstiné a sculpté les magnifique terrasses du Dézaley. De plus, le chasselas n’est pas un cépage facile, il faut quelque part être suisse, donc horloger, pour l’élever.
CAM Avez-vous encore une anecdote, un souvenir lié au vin ?
JCB Au cours d’une dégustation à l’aveugle de vins de Bourgogne, je n’ai pas su distinguer un blanc d’un rouge. J’aurais pu me sentir un peu vexé, mais j’ai trouvé extraordinaire que ce soit possible, et en fin de compte que je m’y connaisse si peu. En effet, moins je m’y connais, plus j’ai envie d’apprendre, de me former. S’imaginer tout savoir conduit à l’indifférence et à l’arrogance. La leçon d’humilité que vous apporte le vin, c’est que vous êtes toujours un apprenti, et c’est tout simplement merveilleux: Picasso disait qu’il avait dû attendre 65 ans pour redevenir un enfant. Débuter, c’est la plus belle période de la vie et il n’y a rien de plus excitant.
CAM Etes-vous du genre à refaire le monde autour d’un verre ?
JCB Pas forcément: autour d’une bouteille, j’aime plutôt communier et partager. Cela m’apporte plus que l’illusion de refaire le monde.
CAM Quelle est votre recette pour vous ressourcer ?
JCB Passer une journée à la maison, dans ce cadre (il montre d’un geste la pièce où nous sommes assis). Pour moi, une journée à la maison, c’est une semaine de vacances, alors imaginez-vous, si j’y passe trois jours ! Un cadre de vie tel que celui-ci, ça vaut de l’or et c’est un privilège colossal de pouvoir y séjourner: j’appelle ça un accélérateur de remise en forme. Il émane quelque chose de magique de cette région, de ce domaine, de cette maison. Y vivre, c’est prendre un bain de jouvence permanent. En toute saison, d’ailleurs. Quand l’envie me prend, je chausse mes skis et je monte à peau de phoque jusqu’au sommet du Folly, juste en-dessus d’ici, à 1725 m d’altitude. Là-haut, c’est magnifique, et quand je reviens ici, j’ai l’impression d’avoir vécu une semaine au Groenland !
CAM Et si vous deviez quitter la Suisse, où aimeriez-vous vivre ?
JCB Dans ma maison à Ramatuelle, près de Saint-Tropez. Elle s’appelle la Bastide du Rouve, c’est- à-dire du chêne, ainsi nommée à cause de la présence d’un énorme chêne quasi millénaire.
Elle est entourée d’un hectare de vignes, comme je l’ai déjà dit, et de quelques milliers de mètres carrés de lavande et d’oliviers. Depuis cette demeure, je ne vois que la mer, l’exploitation agricole et des pinèdes. Impossible de distinguer aucune habitation, ni de loin, ni de près. Là-bas aussi, un jour équivaut à une semaine de vacances. Et ça n’est pas un slogan, j’en ai fait personnellement l’expérience. En outre, avec les années, j’apprécie toujours plus la douceur du climat: on y vit des mois de novembre à 20° et des mois de décembre à 15°.
On s’arrête là et Jean-Claude-Biver, qui n’a pas regardé une fois sa montre, semble tout étonné: cet homme se raconterait durant des heures. Non par complaisance ou par vanité, mais par générosité, par plaisir du partage. Il ponctue ses réparties de grands éclats de rire et paraît s’amuser de tout: de la situation, de lui-même, de ses souvenirs, comme le grand enfant qu’il a esquissé le temps de quelques répliques. Déconcertant, quand on pense qu’il est un des managers les plus performants du moment, mais sacrément rafraîchissant en regard des leaders imprégnés de leur importance et qui semblent porter le poids du monde sur leurs frêles épaules.
Ecouter Jean-Claude Biver pendant une heure n’équivaudrait-il pas finalement à se ressourcer durant une journée ?”
Leave a Reply